Poème : LE PERE DU PORTE-DRAPEAU
de Marcel ANDRE dit André-BELLOT
Poète aveugle et sourd
LES FLEURS DE SANG - Nîmes 1921
Le Père du Porte-Drapeau
« Au drapeau ! » Cet appel est celui de la France.
Le Colonel disait : « Soldats pleins de vaillance,
Je vais bientôt mourir, vous m'avez tous promis
De sauver le drapeau, des mains des ennemis,
Héros, réjouis-toi, cet emblème sublime,
Est resté dans les bras d'un soldat magnanime.
Et lorsqu'il est tombé mortellement frappé,
Dans l'étendard, son corps s'était déjà drapé.
Ce drapeau tout meurtri semble verser des larmes ;
Soldats, à ce vainqueur, présentez-lui les armes !
Trois fantassins blessés, présentent ce lambeau,
Au régiment ému, qui l'acclame bien haut.
La brise, en agitant cette étoffe meurtrie,
Semble un frisson d'amour de la mère-Patrie ;
Et ses ardents baisers aux plis, aux trois couleurs ;
Nous disent d'espérer et de sécher nos pleurs.
Cette boue, adhérant à l'étoffe hachée,
Il l'a prise, là-bas, au fond de la tranchée,
La mitraille et l'obus l'ont tout déchiqueté,
Voyez comme il souffrît pour notre liberté !
Il a dû bien souvent, hélas servir de cible !
Les balles en ont fait un véritable crible !
Des fleurs de la bataille, il répand les parfums,
Ah ! nous vous vengerons, braves soldats défunts !
Quel spectable émouvant, dans cet humble caserne,
Que l'automne accompagne en rendant le ciel terne.
La lumière trop vive, aux douleurs ne sied pas,
Aux heures où la gloire est mêlée au trépas.
Devant son étendard, le régiment défile,
Quand le cœur est ému, l'âme reste virile !
Soudain, je vois venir, devant cet étendard,
Le père du héros, un superbe vieillard.
Il baise avec respect ce lambeau de vaillance,
Ce baiser, pour son fils, est aussi pour la France.
Ce père, en étouffant ses sanglots et ses pleurs,
Regarde encor flotter au vent, les trois couleurs.
A Montpellier, 15 Novembre 1914.