poème : LES TOMBEAUX ABANDONNES
de F. GÉRARD
LES TOMBEAUX ABANDONNES
Oh ! lorsque dans l'esprit de vivants dégénère
Le souvenir des trépassés,
Qu'on croit, en les pleurant dans un deuil éphémère
En avoir fait vraiment assez !
Qu'il est triste de voir, dans les vieux cimetières,
Tous ces tombeaux abandonnés,
Perdus sous des amas de ronces et de pierres,
A l'affreux oubli condamnés !
*
Car lorsque des pieuses larmes
La source vient à se tarir,
La terre est aride et sans charmes,
La source vient à se tarir,
Et rien, hélas ! n'y peut fleurir !
Comment la fleur s'ouvrirait-elle
Lorsque les coeurs ne s'ouvrent pas
Au souvenir triste et fidèle
De ceux qui gisent sous nos pas ?
*
Entendez-vous la plainte immense
Qui jaillit de tous ces tombeaux ?
Et qui sans cesse recommence,
Monotone, ces mêmes mots ?
« Pensez à nous qui vous aimâmes,
Pensez à nous ! Pensez à nous !
Pensez que nos vivantes âmes
A tout instant planent sur vous !... »
*
Mais cette voix, nul ne l'entend, nul ne l'écoute !
Et puis d'ailleurs, on ne peut plus
Lorsque l'on cherche son plaisir coûte que coûte,
Ouïr l'appel des disparus !
Et c'est pourquoi l'on voit, dans les vieux cimetières,
Tous ces tombeaux abandonnés,
Perdus sous des amas de ronces et de pierres,
A l'affreux oubli condamnés !...
*°*